Extrait n°3 de "Infusion"

Publié le par Garry Voligert

 

 

Après un peu de marche nous avions trouvé un tronc idéalement renfoncé à sa base, des lianes que je ne reconnaissais pas formaient comme un rideau devant notre point de campement rudimentaire.
Après nous être restaurés rapidement d’un peu de pain et de charcuterie et avoir constaté que nos réserves diminuaient décidément bien vite, nous nous installâmes pour dormir.

Le sommeil tardait à venir. Il semblait que nous avions tous les deux la même appréhension : que je me transforme pendant la nuit. La brume s’était levée, il faisait sombre, quelques rayons de lune perçaient ci et là.


Plus l’heure avançait, plus il me semblait entendre des voix, comme des murmures portés par la brume. Des voix sourdes, rauques qui ne semblaient pas articuler le moindre mot connu. Un regard échangé et inquiet avec Catherine, nous étions sur le qui-vive.

Une bonne heure passa. Sous écoutions, nous attendions, stress-stress. J’avais peur, sueur, que quelque chose ne vienne nous prendre dans cette nuit au milieu de cette atmosphère laiteuse. Il y avait comme une vie, une conscience derrière tout ça. Les voix ne provenaient pas toujours de la même direction. Parfois je croyais entendre des souffles, des respirations. Loin, loin-horizon… Plus près, par-dessus l’épaule à frissons.

« Aaaazzzzz…annnnnneeee ! » Tels étaient les sons que déclamait la forêt.

Des odeurs de pourritures emplissaient l’autour de moi, des odeurs de sueur et de crasse, des odeurs fortes d’urine, de sang, des odeurs intimes de chair possédée, des odeurs de mélasse. Des bruits de craquements, des plaintes, des complaintes, des hélées, des anmwé de cordes vocales natées hommes-femmes-enfants.

Je frémis davantage quand un dernier bruit vint se mêler à l’orchestre horrifiant. Un bruit assourdi de métal, un peu comme des chaînes s’entrechoquant et rampant sur l’humus. Je ne cessais de tourner la tête pour regarder partout autour de nous. Je suais à grosses gouttes… Rouges ?

 

 J’aurais dû penser à la lever également, ma tête. Tout d’un coup, le fameux rideau lianes se mit à bouger, à s’allonger et, telles les tentacules d’un chatrou végétal géant, à tenter de nous saisir.

Je me levai brutalement, empoignant Catherine pour la tirer de là. De mon seul bras vraiment valide, je la projetai avec difficulté hors de ce piège sylvestre.

Malgré mon bond sur le côté, je ne parvins pas à éviter toutes les lianes et je fus frappé par trois d’entre elles.

Je hurlai. Ma voix dissona d’avec le mystérieux chœur de la forêt « Aaaazzzzz…annnnnneeee! » mais se mêla comme une sœur aux autres plaintes diffuses.

 

Le contact avait été extrêmement douloureux. J’étais en proie à une sensation intense de brûlure, je regardais mon avant-bras et ma jambe droits. Ils portaient des coupures assez nettes d’où mon sang perlait sur toute leur longueur. Ces fichues plantes étaient tranchantes comme des coutelas bien aiguisés. En les regardant, je remarquai qu’elles suintaient une substance opaque et visqueuse que je distinguais à peine dans la pénombre.

 « Eloigne-toi vite ! » Criai-je.

Catherine me regardait, d’abord un peu affolée, puis elle sembla se contrôler, elle ne recula que par des petits pas lents. Je ne voyais pas son regard, mais je ne pouvais m’empêcher de l’imaginer froid et indifférent. Je ne pouvais m’empêcher de l’imaginer se délectant de mon malheur, se mêlant aux voix mesquines dont les intonations professaient mon infortune. « Chhhoooo…Ssssiiii Kouuuuu !»

 

Les lianes virevoltaient, mues de plus en plus vivement par une force inconnue. Alors que je m’étais relevé pour courir loin de cet enfer de rasoirs vivants, la dizaine de liane se tendit comme autant de lances et se projeta vers moi ; vers nous, car mes quelques pas m’avaient rapproché de celle qui n’avait pas fui…

« Bannnnnn…Dééééééé….Léééééé! »

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